Depuis août 2024, Search For Common Ground (Search) met en oeuvre le projet « Tukutane Tena/Retrouvons-nous Encore » dans les Hauts et Moyens Plateaux de l’Est de la République Démocratique du Congo (RDC), avec le soutien financier du Ministère de l’Europe et des Affaires Étrangères (MEAE) de la France. Cette initiative est cruciale face à la propagation de la désinformation et des discours haineux qui exacerbent les tensions intercommunautaires et alimentent les conflits.
Le projet vise à outiller les leaders communautaires et les administrateurs de médias numériques pour identifier et contrer la désinformation et les discours haineux. En renforçant les capacités de ces acteurs clés, le projet favorise l’élaboration de réponses communautaires coordonnées et efficaces face aux menaces sécuritaires, tout en appuyant la réintégration des personnes déplacées par les conflits. De plus, « Tukutane Tena ! (Retrouvons-nous encore !) » développe des mécanismes de coordination sécuritaire pour renforcer les capacités locales de gestion pacifique des conflits. Cela inclut la mise en place de plateformes de dialogue et de médiation, facilitant une meilleure collaboration entre les diverses communautés ethniques et les acteurs de la sécurité.
Dans ce cadre, une série d’activités a été organisée en juin à Uvira, ville du Sud-Kivu, dans l’Est de la RDC. Ces activités comprenaient des formations sur l’approche « Common Ground » et la sensibilité aux conflits, destinées à vingt-sept autorités locales, leaders communautaires et administrateurs de médias (dont deux femmes) issus des zones d’intervention du projet « TUKUTANE TENA » (Baraka, Uvira, Fizi-centre, Mboko, Nundu et Mikenge en territoire de Mwenga). L’objectif principal de ces formations était de renforcer la capacité des participants à déconstruire les rumeurs, stéréotypes et préjugés, tout en promouvant le dialogue et la cohésion sociale dans un contexte fragile. Durant trois jours (du 12 au 14 juin 2025), les participants ont acquis les outils nécessaires pour gérer les conflits à divers niveaux (personnel, familial ou communautaire) et devenir des acteurs actifs de la transformation des conflits dans leurs milieux respectifs. « Je recommande à tous les participants de mettre en œuvre les acquis de cette formation afin d’aider nos communautés à résoudre pacifiquement leurs différends », a déclaré KAPENDA, maire adjoint de la ville d’Uvira, lors de l’ouverture officielle de ces assises.
Cette formation représente une avancée majeure vers une paix inclusive et durable, portée par des leaders communautaires conscients de leur rôle dans la prévention des conflits, alors que l’Est de la RDC est confronté à des affrontements et conflits armés. En effet, depuis février dernier, la province du Sud-Kivu fait face à des affrontements armés ayant conduit à l’occupation de son chef-lieu, Bukavu, par le mouvement rebelle M23. Cette situation a contraint les autorités nationales à délocaliser le chef-lieu vers Uvira, ce qui a entraîné une recrudescence de discours de haine, de désinformation et de manipulations visant à stigmatiser diverses couches de la population, y compris certaines autorités, les associant aux rebelles. Cette pratique a causé de nombreux dégâts humains et matériels, notamment des pertes en vies humaines et des destructions massives.
Parallèlement à cette formation, les professionnels des médias partenaires du projet ont bénéficié de sessions sur l’approche « cyber gardien » et la culture numérique. Cette approche critique et d’investigation, essentielle pour les journalistes, leur a permis de comprendre comment freiner la propagation souvent virale de la désinformation sur les réseaux sociaux. Elle contribue à maintenir l’intégrité de l’information et à rétablir les faits souvent manipulés. Cette session de formation est intervenue à point nommé, compte tenu de la montée de la désinformation et des discours de haine qui menacent la cohésion sociale à Uvira, Fizi et Mwenga, dans un contexte sécuritaire très volatile.
« Consciente de la montée inquiétante de la désinformation, des discours de haine ainsi que des préjugés et de leurs conséquences tragiques sur la paix, la sécurité et la cohésion sociale entre nos communautés, je m’engage à vérifier toute information auprès de sources fiables et crédibles avant de la partager. Étant également administratrice et membre active de plusieurs plateformes sociales, je veillerai désormais à identifier et à contrer les rumeurs relayées en utilisant les outils de vérification acquis au cours de cette formation. Je ferai preuve de responsabilité dans le traitement des sujets sensibles », a affirmé ANGÈLE, journaliste à la Radio Notre Dame du Tanganyika (RNDT) à Uvira et représentante adjointe de la corporation des médias en ligne d’Uvira et Fizi (COMEL-RDC).
Pour sa part, David, journaliste à la Radio Télé Espoir des Opprimés RTEO Nundu, a salué cette initiative très utile pour son travail : « C’est une première qu’une organisation invite trois de nos journalistes à une formation aussi capitale. Personnellement, cette formation m’a aidé à mieux connaître mon rôle et à prendre conscience de ma responsabilité face à la circulation des fake news dans notre entité en proie aux violences. J’invite chacun à mettre en pratique les connaissances et compétences acquises au cours de cette formation et je m’engage à en faire la restitution auprès des autres journalistes de ma rédaction afin que chacun contribue à la stabilité de nos entités respectives. »
Il est à noter que cette session a abouti au développement de contenus médiatiques, permettant aux journalistes producteurs formés d’enregistrer un total de douze spots de sensibilisation qui seront diffusés sur cinq radios partenaires du projet.
